Je vous salue, nobles confrères et consoeurs...
Je suis ici pour vous demander de m'accepter dans votre guilde, pour qu'enfin, après des années de souffrance, je puisse libérer mon corps et mon âme de la pesance de mon passé... pour vivre tel l'esprit libre que je suis...
Mais je me présente.
Je me nomme Whistle, un nom que me donnèrent mes parents après avoir remarqué que je passais mon temps à siffloter avec les oiseaux plutôt que de m'amuser avec les autres enfants de mon âge.
Je me suis mise à parler très tard, je devais avoir quatre ans, mais dès ma plus tendre jeunesse je formais des phrases, des vers dans ma tête que je répétais seulement au vent, car je sentais bien que les pensées n'étaient rien pour mon entourage, habitué à seulement travailler...
Mais la vie de paysanne ne me convenais pas. Je passais la plupart de mon temps dehors, dans la forêt, passant le temps à chanter des paroles de libertés...
C'est vers mes douze ans que j'ai rencontré Mo.
Mo... il avait quinze ans à l'époque, et c'était un beau jeune homme libre comme le vent, qui allait au gré de ses envies et sillonnait notre belle contrée.
Vêtu de guenilles, sans le sou, les cheveux décoiffés, il était pour moi un roi...
C'est lui qui m'a poussé à poursuivre mes rêves, à vouloir la liberté. Il ne m'a jamais tout raconté, je veux dire son histoire, mais d'après ses récits j'ai compris que lui aussi avait quitté sa famille pour assouvir sa soif de liberté. Je crois bien qu'il s'agissait d'une famille aisée, il portait au doigt une bague richement décorée et qu'il n'avait pas volée, comme il me le jurâ maintes fois.
Quelles soirées fascinantes nous passâmes tous les deux, à regarder les étoiles! Il dormait dans la forêt, et je le rejoignait dès que j'avais fini mes travaux sur les champs.
Nos discussions passionnées sur philosophie et humanisme - nous ne savions pas que c'était de cela qu'il s'agissait, mais c'était bien le cas - me resteront à jamais gravées dans la mémoire.
Je ne sais pas quand j'eût la certitude d'être amoureuse de lui... Nous fîmes l'amour deux ans après notre rencontre, une nuit d'été. Notre désir l'un pour l'autre s'accrût chaque fois, oh! quelles raclées m'ont père m'a mis, quand il a su que je ne travaillais pas assez sur ses terres! Je ne lui ai pas dit pourquoi je partais le soir. D'ailleurs, je crois bien qu'il s'en fichait un peu, il ne pensait qu'à sa ferme et au fait que j'étais une force de travail en moins...
Pourtant, un jour arriva ce qui devait arriver... J'avais quitté la maison - ce n'était pas MA maison, ma maison était l'abri en branches de Mo - en avance pour rejoindre mon amant, mon âme soeur, mon autre moitié à laquelle j'étais et je suis reliée par un fil incassable...
Nous venions de parler de nos projets de futur, avions chanté quelques chants avides de liberté et d'amour, puis... Nous étions en plein ébats quand mon père surgit de l'ombre, son fusil à la main.
Il tira, nous sentîmes la balle frapper le tronc de l'arbre sous lequel nous nous trouvions. Je suppliais Mo de s'enfuir pendant qu'il était encore temps. Il m'obéit à regret, m'embrassa une dernière fois puis se fondit dans le noir... non sans me laisser un pendentif à la main, un fil de cuir avec une plaquette ronde en argent... La Lune, notre confidente et notre guide pour le futur, il me l'avait laissée.
Je m'enfuis de chez moi le soir même, après que mon père m'eût roué de coups et enfermé dans la mansarde où je passais mes nuits. Je me suis sauvé par la fenêtre, un baluchon sur le dos et le pendentif autour du cou. A la main, j'avais la flûte en bois que m'avais offerte Mo. Son son plaintif et semblable à un hibou, oui, c'était une sorte d'hululement... nous semblait convenir à notre situation.
Je sut que j'avais été enceinte deux jours plus tard, quand je me mit à saigner abondamment. Mon père avait tué mon fils, le fils de l'amour de ma vie, cette malencontreuse nuit. Comment j'ai pu savoir qu'il s'agissait d'un fils? Je ne sais pas, un pressentiment...
Depuis, je marche, je marche, j'oublie ma famille et je cherche Mo. J'ai trouvé un ventile pour ma souffrance dans la chanson, et le soir, quand je regarde la Lune, je sort ma flûte en bois et sifflote notre mélodie du bonheur...
Acceptez- moi, je vous prie, que je puisse vivre ma vie.